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Ramadan en entreprise : que dit le Code du Travail en 4 questions

Ramadan en entreprise : que dit le Code du Travail en 4 questions
Le 08 mai 2019
Le Ramadan a officiellement débuté lundi 6 mai. Pendant ce mois considéré comme sacré par l'Islam, des hommes et des femmes jeûneront tout en continuant à travailler. Existe-t-il des aménagements spécifiques ? Que dit le Code du Travail ? Le point ici.

On estime qu'il y a aujourd'hui en France 4 à 5 millions de personnes dites "de culture musulmane". Or, selon un sondage IFOP-Marianne, en 2011 71% des musulmans français déclaraient respecter le jeûne du Ramadan, l'un des cinq piliers de l'Islam.

Le mois de Ramadan ayant officiellement débuté cette année le lundi 6 mai 2019, cela signifie que pendant un mois, plusieurs millions de travailleurs français vont continuer de travailler tout en respectant un jeûne strict (les fidèles ne doivent ni manger ni boire du lever au coucher du soleil)

Et comme chaque année, le jeune du Ramadan soulève de nombreuses questions, en particulier au sein des entreprises. Or, aucun article du Code du Travail ne régit expressément le fait religieux. 

Le Code ne reste cependant pas tout-à-fait silencieux et la matière puisque plusieurs de ses dispositions peuvent trouver à s'appliquer aux situations entre un employeur et un salarié religieux pratiquant, ce que le Ministère du Travail a rappelé dans un Guide Pratique du fait religieux dans les entreprises privées. 

Explications autour des 4 questions les plus fréquentes...

L'employeur doit-il aménager les horaires de ses salariés pendant le Ramadan ?

Non. Il n'y a aucune obligation en la matière.

Un salarié pratiquant le Ramadan peut parfaitement solliciter en amont un aménagement de son temps de travail en sollicitant des journées raccourcies ou continues sans pause déjeuner par exemple.

L'employeur pourra accepter si cela n'entrave pas l'organisation de l'entreprise, avec ou sans contrepartie. Ainsi, en cas de journées raccourcies, il pourra solliciter que le salarié rattrape les heures non travaillées selon un calendrier défini par exemple.

Il pourra aussi refuser en vertu de son pouvoir de direction, sous réserve que cela ne constitue pas une discrimination. Il est donc vivement conseillé à l'employeur qui souhaiterait refuser une telle demande de porter une attention toute particulière sur la formulation de son refus. Ou de solliciter les conseils d'un avocat spécialisé.

Mon employeur peut-il refuser ma demande de congés payés motivée par Ramadan ?

Non. Un employeur ne peut pas refuser une demande de congé au seul motif de la conviction religieuse du salarié qui en fait la demande. (art. 1132-1 C.Travail). Ce serait alors de la discrimination passible de sanctions. On notera d'ailleurs qu'un salarié n'est pas obligé de justifier de sa demande de congé.

Ce qui ne veut pas dire que l'employeur est obligé d'accepter la demande de congé.

En général, la période de prise de congés est fixée par un accord ou une convention (et si ce n'est pas le cas, c'est à l'employeur de fixer cette période). Par ailleurs, en vertu de son pouvoir de direction, l'employeur peut refuser une demande de congé pour nécessité de service, c'est-à-dire pour toute raison liée aux contraintes de l'entreprise.

En cas de demandes simultanée, et notamment pour éviter une désorganisation de l'entreprise, l'employeur peut décider de n'accorder que certaines demandes de congés et pas les autres, quand bien même elles seraient toutes liées à la pratique religieuse des demandeurs. 

Dans ce cas, soit l'employeur se rapporte à l'ordre des départs en congés payés fixé par l'article L.3141-6 du Code du Travail, soit il se rapporte à un accord, une convention ou un usage d'entreprise permettant un roulement (attention là encore au risque de discrimination).

Plus de renseignements sur les congés payés ICI.

Mon employeur peut-il m'imposer des tâches pénibles ou dangereuses pendant la période de jeûne rituel ?

Quoi qu'il arrive, un employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la sécurité et la santé tant physique que mentale de ses salarié. Par suite, si le fait de jeûner n'est pas en soi un élément caractérisant une impossibilité d'accomplir les tâches relevant du contrat de travail, l'employeur est toutefois parfaitement fondé à prendre en compte les conséquences du jeûne si elles sont de nature à mettre en péril la sécurité du salarié, celles de ses collègues ou des tiers intéressés. Bien évidemment, chaque situation devra être analysée au cas par cas, la situation d'un ouvrier en réfrigération comptable...  

Ainsi, s'il est établi que le salarié en situation de jeûne n'est temporairement plus en capacité d'exécuter ses missions dans les conditions de sécurité requises (notamment suite à une visite auprès du médecin du travail), l'employeur a l'obligation de le retirer de son poste de travail, la rémunération relative à la période non travaillée n'étant alors pas due. 

Si cela n'entrave pas l'organisation du travail et la bonne marche de l'entreprise, l'employeur peut également soit choisir d'aménager les horaires de travail du salarié en situation de jeûne, avec ou sans contrepartie, soit le changer temporairement d'affectation sans que cela ne constitue une sanction disciplinaire (Cass. Ass. plan. 6 janv. 2012, n°10-14.688).

Attention toutefois : si l'employeur est tenu à une obligation de santé et de sécurité, il est de la responsabilité de chaque salarié de prendre soin de lui-même et d'assurer la sécurité de toutes les personnes pouvant être concernées par ses actes. Par suite, en jeûnant le salarié est aussi responsable de ses actes. C'est à lui notamment d'informer son employeur sur sa situation et ses éventuelles difficultés.

Mon employeur peut-il m'obliger à participer à des repas d'affaires ?

Oui ! Si le fait de participer à des repas d'affaires fait partie des missions pour lesquelles le salarié a été embauché, refuser de participer à un repas d'affaires durant le mois de Ramadan est constitutif d'une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire. C'est le cas notamment chez certains commerciaux, en particulier les commerciaux grands comptes ou ceux nécessitant une forte relation de proximité avec les clients. 

Cependant, il faut distinguer la présence au repas et la consommation des aliments ou des boissons. Ainsi, si le supérieur du salarié religieux pratiquant peut exiger sa présence lors d'un repas d'affaires, y compris pendant la période de Ramadan, en revanche il n'a aucun pouvoir pour l'obliger à consommer ledit repas. 

En pratique toutefois, on notera que dans les pays où l'Islam n'est pas une religion d'Etat, la plupart des Imams admettent des dérogations de rupture de jeûne pour les fidèles en difficulté. C'est aussi le cas en période de canicule. 

                                                                                                Ingrid Tronet
                                                                                              Tronet Conseils