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Barème "Macron" : la Cour de cassation valide le barème

Barème
Le 17 juillet 2019
La Cour de cassation a rendu aujourd'hui un avis validant le barème "Macron" encadrant les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les magistrats à la Cour de cassation ont rendu un avis en faveur du barème Macron

Contexte

Ce mercredi 17 juillet 2019, la plus haute juridiction française a rendu son avis sur le barème « Macron » encadrant les indemnités pouvant être attribué au salarié licencié abusivement (sans cause réelle et sérieuse).

Cette affaire est au centre des débats depuis maintenant fin 2018. En effet, de nombreux conseils de prud'hommes (tribunaux statuant sur les litiges entre employeurs et salariés) se sont opposés à l'instauration des barèmes encadrant l'indemnité qu'un salarié peut percevoir si son licenciement est jugé abusif (sans cause réelle et sérieuse).

Qu'est-ce qui était reproché aux barèmes Macron ?

Les conseillers prud'homaux, juges non-professionnels, reprochaient notamment au barème "Macron" de contrevenir aux textes internationaux qui prévoient que les travailleurs licenciés sans motif valable ont droit à une indemnité adéquate.

En encadrant l'indemnité à laquelle peut un salarié, le barème ne permettrait pas au juge d'indemniser le préjudice du salarié dans son entièreté.

L'avis des magistrats de la Cour de Cassation

Une première question se posait pour la Cour.

Un avis sur la conventionnalité du droit français

Celle-ci devait déterminer si elle avait le pouvoir de rendre un avis sur la compatibilité d’une disposition de droit interne (le barème "Macron") avec d’autres normes internationales.

Respectivement l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée ; l’article 10 de la Convention n° 158 sur le licenciement de l’OIT).

Ce pouvoir de contrôle est normalement attribué aux juges du fond dans un premier temps. Les juges du fond sont les juges des tribunaux et cours d'appel (premier et second degré de juridiction).

Toutefois, "dans un souci de sécurité juridique, une unification rapide des réponses apportées à des questions juridiques nouvelles", "la Cour a décidé que la compatibilité d’une disposition de droit interne avec les dispositions de normes européennes et internationales pouvait faire l’objet d’une demande d’avis dès lors que son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l’analyse d’éléments de fait relevant de l’office du juge du fond".

Sur l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Les juges ont estimé que le barème, prévu à L.1235-3 du code du travail, n'entrait pas dans le champ d’application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En effet, l'encadrement des indemnités prud'homales ne constituent pas un obstacle procédural entravant l'accès à la justice pour les salariés.

Sur l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée

Les juges ont estimé que ce texte n’était pas d’effet direct pour les justiciables français. Cela signifie qu'il ne peut pas être invoqué au cours d'une instance.

Pour qu'une disposition internationale obtienne un effet direct en droit français, celle-ci doit être précise, claire, inconditionnelle, et ne doit pas appeler de mesures complémentaires pour le législateur.

Or, les juges ont estimé que l'article 24, qui prévoit que les travailleurs licenciés sans motif valable ont droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée, ne répond pas à ces critères.

Il doit au préalable faire l'objet d'une transposition en droit Français pour être applicable.

Sur l'article 10 de la Convention n° 158 sur le licenciement de l’OIT

Ici, les juges estiment que le texte a un effet direct en droit interne.

Le texte prévoit notamment les dispositions suivantes : "ils [les juges] devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée."

La Cour a retenu que le terme “adéquat” devait être compris comme réservant aux États une marge d’appréciation du montant des indemnités versées aux salariés.

Sur ce fondement, la Cour estime que le barème Macron est conforme aux stipulations de l'article 10 de la convention susvisée.

La portée de l'avis de la Cour de cassation

Cette décision n'est pas réellement surprenante. Il convient maintenant d'évaluer la portée de cet avis rendu aujourd'hui par la Cour.

Comme nous l'avions mentionné dans une précédente actualité, "l’avis rendu par la Cour de cassation n’emporte pas autorité de la chose jugée.

Cela signifie que l’avis ne lie pas les juges, il n’est pas obligatoire.

Certains conseillers prud’homaux ont bien compris la portée juridique des avis rendus par la Cour, et ont d’ores et déjà indiqué qu’ils ne prendront en compte la position de la Cour de cassation que dans le cadre d’une décision rendue sur une affaire.

La fronde de certains conseils de prud'hommes va-t-elle durer jusqu'à un lointain arrêt de la Cour de cassation validant une bonne fois pour toute le barème Macron ? Probablement.

Affaire à suivre.

Retrouvez les avis des magistrats via ce lien.

Coralie Klein-Reynaud
Rédactrice juridique chez Droit-Travail-France.fr