Coronavirus : précisions de Bruno LE MAIRE sur le versement des dividendes...
Le 27 mars dernier, Bruno LE MAIRE, Ministre de l'Economie et des Finances, indiquait lors d'une interview donnée sur BFMTV que "les entreprises qui demandent de l'aide de l'Etat ne devront pas verser de dividendes".
Une annonce qui avait jeté un vrai pavé dans la mare comme nous vous en faisions part hier, stigmatisant d'une part les sociétés d'exploitation au résultat bénéficiaire sans distinguo quant à la réelle motivation des dividendes distribués, et relevant d'autre part d'une incroyable méconnaissance du tisse économique et productif français puisqu'elle empêchait de fait certains petits patrons de se rémunérer et rendait concrètement impossible les dispositifs type LBO.
Pourquoi la question du versement des dividendes est-elle aussi sensible en pleine crise du coronavirus ?
Le versement de dividendes : rémunération des petits patrons et rendements des investisseurs.
Vendredi 27 mars à l'issu d'une réunion à l'Elysée, le leader de la CGT Philippe MARTINEZ confirmait qu'un "projet de loi" était sur la table afin d'inciter les entreprises sollicitant l'aide de l'Etat à renoncer au versement de leurs dividendes cette année, tout en reconnaissant que ni la forme, ni le périmètre d'une telle mesure ne semblaient avoir été déterminés par le Gouvernement.
Et pour cause ! Comme nous vous l'indiquions précédemment, 99.8 % du tissu économique français est constitué de PME et de TPE, c'est-à-dire de petites et de très petites entreprises, pour la plupart violemment touchée par la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus covid19 et par les mesures sanitaires prises afin de casser la chaîne de transmission.
Alors bien sûr, on comprend tout-à-fait que pour des questions d'équité et de justice sociale, il peut apparaître normal d’œuvrer pour que les grandes sociétés cotées en Bourse ou disposant de liquidités importantes ne jouent pas sur les deux tableaux sollicitant l'aide de l'Etat d'une part pour verser des dividendes capitalistiques à leurs actionnaires d'autre part.
Cependant, il convient de ne pas oublier que les dividendes constituent pour la majorité des entrepreneurs en France leur principale source de revenus, ou que certains dispositifs ne sont réalisables que via le versement de dividendes (on pense notamment aux opérations de LBO, voir notre dossier sur la question).
Raison probable pour laquelle l'entourage de Bruno MACRON avait immédiatement relativisé les propos de MARTINEZ indiquant "on parle des grandes entreprises, celles qui sont cotées, qui verses d'importants dividendes. Ça ne concerne pas les PME dont certains patrons utilisent les dividendes comme principale rémunération. Dans ce cas, plein de petits patrons ne pourraient pas se payer", insistant notamment sur le fait que c'était bien la raison pour laquelle le Ministre de l'Economie et des Finances avait ab initio exclut du périmètre de réflexion le chômage partiel.
Le versement de dividendes, incompatibles avec une chute de trésorerie ?
Quoi qu'on en pense, l'ensemble des acteurs économiques a été touché de plein fouet par la crise du coronavirus COVID19. Or, une bonne gestion d'entreprise suppose de savoir préserver sa trésorerie en prévision de risques futurs, en particulier lorsque l'avenir est aussi incertain qu'il l'est à ce jour.
Par conséquent, il n'est pas surprenant que tous les acteurs économiques cherchent aujourd'hui à protéger leur trésorerie et/ou à afficher une santé économique rassurante pour leurs clients et investisseurs.
Or, dans les grandes entreprises, le versement de dividendes demeure non seulement un critère de bonne santé, mais aussi de saine gestion et d'attractivité. Une attractivité qui peut permettre d'attirer et/ou de conserver des investisseurs importants, sur lequel éventuellement s'appuyer en cas de crise.
A l'inverse, le versement de dividendes pour les PME et TPE qui constituent 99.8 % du tissu économique français, le versement de dividendes représente souvent la principale (et parfois la seule) source de revenus du dirigeant...
Raison pour laquelle l'Elysée a rapidement, quoi que timidement, fait savoir que "Si vous vous demandez un coup de pouce de l'Etat pour votre trésorerie, ce n'est pas absurde de ne pas distribuer de dividendes", tout en précisant que Bruno LE MAIRE devait présenter au Premier Ministre Edouard PHILIPPE "une mesure" posant "une condition" à l'octroi des aides de l'Etat.
Problème, Bercy faisait savoir dans le même tant qu'il n'y avait pas nécessairement "besoin d'un texte juridique" pour inciter les entreprises à renoncer aux dividendes, une interdiction pure et simple pénalisant nécessairement les petites entreprises.
Dividendes : un appel à la modération de Bruno LE MAIRE qui sonne tout de même comme un rétropédalage en règle.
De nouveau interviewé sur BFMTV Lundi 30 mars, le Ministre de l'Economie et des Finances Bruno LE MAIRE a semble-t-il modifié son discours, ou tout au moins ses éléments de langage, appelant plutôt les entreprises "à la modération" loin de toute idée de coercition.
Le locataire de Bercy a tenu à rappeler que, quoi qu'il arrive, il n'était pour l'heure en tout cas pas question de conditionner l'accès au dispositif de chômage partiel à cette condition de non-versement des dividendes. Pas question non plus, a priori, de mesure coercitive, plutôt un appel à la conscience des patrons des (grandes) entreprises.
"J'ai dit très clairement que nous interdirions l'accès au soutien de la trésorerie de l'Etat à ceux qui verseraient des dividendes", a-t-il tenu à expliquer. "J’invite toutes les sociétés qui ont accès au chômage partiel, c’est à dire qui ont leurs salariés payés par l’État, à faire preuve de la plus grande modération en matière de versement de dividendes. Et j’irai plus loin. Soyez exemplaires: si vous utilisez le chômage partiel, ne versez pas de dividendes. On ne peut pas à la fois dire 'Je n'ai pas de trésorerie, j'ai besoin de l'Etat pour reporter mes charges' et en même temps 'J'ai de la trésorerie pour mes actionnaires' ”
Reste à savoir si les entreprises concernées entendront cet appel et joueront le jeu de la solidarité... ou si une mesure plus coercitive -et forcément handicapante pour les PME et TPE, deviendra nécessaire. Car ne l'oublions pas : la France aussi est une entreprise qu'il faut gérer, et par conséquent la France aussi dispose d'une trésorerie qu'il faut savoir protéger.
En attendant, rappelez-vous : c'est en avançant ensemble que nous ferons de cette crise un méchant souvenir, alors respectez les gestes barrières, les consignes de distanciation sociale et de confinement régulièrement rappelées par le Gouvernement. Prenez soin des autres comme de vous-même.
Ingrid TRONET
Tronet Conseils
- avril 2020
- Les primes sont-elles comprises dans le calcul de l'indemnité d'activité partielle ?
- Coronavirus - Ma banque peut-elle me refuser un prêt garanti par l'Etat ?
- Coronavirus et TVA : La DGFiP rappelle le périmètre de l'aide fiscale.
- Coronavirus : Comment articuler les arrêts maladie avec l'activité partielle ?
- Coronavirus : Le Prêt Garanti par l'Etat, comment ça marche ?
- Prime Macron spéciale covid : combien pourrez vous toucher ? 1 000 ou 2 000 euros ?
- Coronavirus - Aide du Fonds de Solidarité : les précisions apportées par le Décret.
- mars 2020