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Covid19 : Mon employeur peut-il m'imposer de prendre des congés payés ou des RTT ?

Covid19 : Mon employeur peut-il m'imposer de prendre des congés payés ou des RTT ?
Le 25 mars 2020
Le coronavirus a engendré une crise sanitaire majeure en France, mais aussi beaucoup de questions pour chacun. Employeurs ou employés, le point face aux mesures relatives aux congés payés en période de chômage technique.

La Loi d'urgence adoptée dimanche contient d'ores et déjà diverses mesures d'exception, et il n'est pas facile de s'y retrouver, laissant et les entreprises et les salariés très désemparé. Entre les premiers qui s'affolent auprès de leurs experts comptables et les seconds, pas toujours d'accord avec la mesure... 

Alors un employeur peut-il vraiment imposer les dates de congés payés à ses salariés ? La réponse est oui, mais avec des limites qui ont fait l'objet de nombreux débats à l'Assemblée. 

Congés payés : que dit le droit commun ? 

L'employeur peut-il obliger les salariés à prendre des congés payés ?

Oui. Car "Même dans la période actuelle, et sauf disposition contraire, c'est le droit commun qui doit s'appliquer " nous rappelle Maître Stephan FARINA, avocat au Barreau de Lille

Or, pour le droit commun, à défaut d'accord d'entreprise ou de branche et si les dates de vacances ne sont pas précisées sur votre contrat individuel, c'est l'entreprise qui décidera des dates des congés, même si en pratique, on constate que les périodes de vacances relèvent souvent de la transaction. 

Bien souvent en effet, les périodes de vacances sont décidées en fonction des nécessités de service et des souhaits des salariés, le Code du Travail lui-même fixant la période de prise des congés d'été "du 1er mai au 31 octobre". 

L'employeur peut-il modifier les dates de vacances lorsqu'elles ont été posées ?

Là encore, la réponse est oui. En vertu de son pouvoir de direction, l'employeur peut tout-à-fait modifier les dates des congés d'ores et déjà posés, sous réserve de respecter un délai de préavis d'un mois, sauf "circonstances exceptionnelles" en vertu desquelles l'employeur n'a pas à respecter ce délai de préavis. 

Or, le Code du Travail ne définit nulle part la notion de "circonstances exceptionnelles". Le Gouvernement ayant d'ores et déjà précisé considérer la pandémie de coronavirus covid19 comme un cas de force majeure dans les marchés publics, "il serait étonnant que la pandémie de coronavirus ne soit pas considérée comme une circonstance exceptionnelle en matière de droit du travail" nous explique de nouveau Me FARINA...

Congés payés : que prévoit exactement la loi d'urgence coronavirus ?

L'employeur pourra imposer la prise de six jours de congés payés durant la période de chômage partiel. 

Dans le droit fil de la loi d'urgence sanitaire adoptée dimanche soir par l'Assemblée, le Gouvernement a annoncé la prise de divers décrets à compter de ce mercredi destinés à promulguer des mesures concrètes d'aide et de soutien aux entreprises.

Ces mesures devraient également porter sur les congés payés puisque l'article 7 de la loi d'urgence habilite le Gouvernement à "permettre à tout employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prises d'une partie des congés payés, des jours de réduction de temps de travail et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié (en dérogeant) aux délais de prévenances et modalités d'utilisation (définis par le Code du Travail, les conventions et accord collectifs ainsi que le statut général de la fonction publique)".

Sibeth NDIAYE, porte-parole du Gouvernement explique : "Notre intention dans la loi c'est de réduire ce délai, pour qu'on puisse s'adapter à la situation actuelle. C'est donc une disposition qui existe déjà dont on réduit les délais de mise en oeuvre" tandis qu'au Ministère du Travail on évoque "un effort raisonnable" demandé au salarié alors que l'Etat "met en place un plan exceptionnel pour sauver l'emploi et éviter le licenciement".

Alain Milon, Président LR de la commission des Affaires Sociales du Sénat y voit pour sa part une mesure qui "serait financièrement favorable aux salariés, qui ne subissent pas de perte de rémunération lorsqu'ils sont en congé à la différence de l'activité partielle" tout en précisant que "ces dérogations ne doivent pas permettre aux entreprises de déqualifier unilatéralement en congés payés une période pendant laquelle les salariés sont contraints de rester chez eux, le cas échéant pour garder leurs enfants, qui ne saurait être assimilée à des vacances".

Raison pour laquelle le sénateur a fait adopter un amendement limitant à six jours ouvrables "la durée des congés payés pouvant être imposés par l'employeur sans observer les délais de prévenance", les seuls congés concernés étant ceux à prendre entre le 1er juin 2020 et le 31 mai 2021 (sous réserve du contenu exact des ordonnances qui devraient être présentées prochainement NDRL). 

Et sous réserve d'un accord de branche ou d'entreprise.

Autre concession faite par le Gouvernement, cette fois aux syndicats et en particulier à la CFDT qui a fait du dialogue social son étendard sous l'impulsion notamment de son Président Laurent BERGER : l'imposition de six jours de congés payés maximum aux salariés faisant l'objet d'une mesure de chômage partiel ne pourra se fait qu'avec l'accord des syndicats, c'est-à-dire qu'il faudra nécessairement un accord de branche ou d'entreprise pour y procéder.

L'employeur ne pourra donc pas imposer aux salariés en chômage technique de prendre jusqu'à 6 jours de congés payés de manière unilatérale.

En pratique, cela signifie que l'entreprise devra réunir le CSE (au besoin par téléconférence, visioconférence, ...) et négocier avec les organisations syndicales de l'entreprise, plusieurs accords étant d'ores et déjà en préparation (on pense notamment à DECATHLON qui a déjà appliqué la mesure NDRL).

Laurent BERGER s'est déclaré sur son compte Twitter tout-à-fait satisfait "d'avoir obtenu la modification demandée dans la loi urgence sanitaire. Il sera finalement nécessaire qu'un accord soit négocié dans les entreprises ou dans les branches pour permettre à l'employeur d'imposer une semaine de congés payés pdt le confinement".

Que faire si la négociation d'entreprise n'aboutit pas ?

Concrètement, la mesure est plutôt favorable aux salariés dans la mesure où ils pourraient toucher la totalité de leur salaire pendant 6 jours, au lieu d'une indemnité d'activité partielle à hauteur de 84% de leurs revenus net (excepté les personnes touchant le SMIC ou étant en action de formation qui continueront de toucher 100% de leur salaire habituel).

Reste qu'au 1er janvier 2019, 13,4 % des salariés en France étaient rémunérés au SMIC, de nombreuses branches professionnelles ayant encore de surcroîts des grilles salariales prévoyant des rémunérations inférieures. Or, nul doute que la hausse du SMIC horaire au 1er janvier. 2020 aura contribué à augmenter le nombre de bénéficiaire du Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance.

Par conséquent, on comprend qu'il soit probable que la négociation ait du mal à aboutir dans de nombreuses entreprises. 

Reste également que rémunérer ses salariés en congés payés impacte la trésorerie d'une entreprise à la différence des mesures de chômage technique qui sont prises en charge à 100% par l'Etat. Que par suite, toutes les entreprises ne vont pas nécessairement s'engouffrer dans le dispositif, d'autant que le recours aux "circonstances exceptionnelles" pourrait demeurer à l'identique à la sortie de crise, ce qui permettrait aux entreprises d'éviter un autre ralentissement de production lié à la prise massive des congés d'été. 

A noter : à ce stade, nous ignorons encore comment les mesures décidées par ordonnances s'articuleront avec le droit commun, et, en particulier, s'il sera encore possible aux entreprises de faire jouer les circonstances exceptionnelles pour organiser et limiter le recours aux congés payés à la sortie de la crise. 

Un salarié en arrêt de travail automatique pour garde d'enfants peut-il refuser de prendre ses congés payés ?

Cela fait partie des questions qui arrachent les cheveux des experts comptables et des professionnels du droit à l'heure actuelle, c'est-à-dire des questions auxquelles nous espérons que les décrets et ordonnances attendus dans la journée répondront de manière concrète. 

En temps ordinaire, lorsqu'un médecin prévoit un arrêt de travail, il le fait en vertu d'une maladie empêchant temporairement le salarié d'exécuter ses missions contractuelles. C'est la raison pour laquelle un salarié en arrêt maladie ne peut en principe pas être placé en congés payés. 

Cependant, "l'arrêt automatique pour garde d'enfant décrété dans le cadre du plan de lutte contre la pandémie de coronavirus CODID19 relève à mon sens d'une autre logique" précise notre correspondant, Me FARINA

En effet, cet arrêt maladie automatique exceptionnel a été décrété afin de permettre aux salariés de justifier une absence afin de garder leurs enfants de moins de 16 ans (ou moins de 18 ans en cas de handicap) dont les lieux d'accueil étaient fermés par décision gouvernementale. 

Or, si l'entreprise est en situation d'activité partielle, le salarié bénéficiaire d'un arrêt de travail automatique n'a plus besoin de justifier de son absence pour garde d'enfants... 

Ce point fait donc débat, à moins de l'avoir anticipé par accord d'entreprise ou de branche. N'hésitez pas à consulter nos spécialistes sur ce point ou pour mettre à jour vos procédures internes. 

A noter qu'a contrario du droit commun, la CPAM vient d'annoncer notamment à l'Ordre des Experts Comptables que la prise en charge des arrêts maladie se fera dans la limite du recours au chômage technique.

Un salarie qui avait posé des congés sur la période du confinement peut-il demander le report de ses CP à son employeur ?

C'est bien entendu l'autre question qui agite les français, qu'ils soient employeurs ou employés. Car pour les salariés confinés, plus question de pouvoir partir. Peuvent-ils de fait reporter leurs congés ? 

Là encore, et sauf disposition dérogatoire à venir, la décision revient à l'employeur en vertu de son pouvoir de décision. Or, si l'entreprise est actuellement en chômage technique, elle aura besoin de toutes ses ressources pour relancer son activité et restaurer sa trésorerie lorsque la crise sanitaire sera passée... 

L'employeur peut-il imposer aux salariés de prendre leurs RTT ou leurs repos compensateur comme pour les congés payés ? 

Encore une fois, force est de constater que nous devons encore attendre la promulgation des ordonnances et décrets issus de la Loi Coronavirus instaurant l'urgence sanitaire pour être pleinement affirmatif dans nos réponses. 

Toutefois, il faut relever que les RTT et repos compensateurs relèvent d'une logique différente que celle relative aux congés payés. En effet, ces jours ne sont pas issus du code du Travail mais bien d'un accord d'entreprise ou de branche, ou d'une convention collective. 

Par conséquent, et sauf disposition contraire à venir, ce seront les modalités de mise en oeuvre des RTT et/ou repos compensateurs qui trouveront à s'appliquer. Or, selon les cas, ces textes peuvent prévoir par exemple (1) que les dates de prise de repos compensateurs dépendent exclusivement de l'employeur, auquel cas le salarié ne pourra pas s'y opposer même en situation de chômage partiel, (2) que les dates relèvent de la décision du chef d'entreprise sur proposition du salarié, auquel cas l'employeur ne pourra pas contraindre unilatéralement le salarié, ou (3) que les repos compensateurs doivent être pris selon un calendrier fixé à l'avance. 

Quoi qu'il en soit, il y a fort à parier que les ordonnances à venir devraient permettre à l'employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de repos et de RTT par dérogation au droit commun et aux modalités fixées dans les accords dans le cadre des mesures de soutien aux entreprises et afin de lutter contre le spectre de licenciements massifs. "Je pense que c'est un effort qu'on peut demander. C'est juste déplacer des dates" a indiqué Muriel PENICAUD, Ministre du Travail, devant l'Assemblée. 

Dans l'attente des mesures à venir, rappelez-vous : lutter contre la pandémie dépend de chacun de nous.

Que vous soyez confiné, en télétravail ou en activité partiel, il est essentiel que nous respections les consignes sanitaires et de confinement indiquées par le Gouvernement et les autorités sanitaires.

Il ne s'agit pas seulement d'éviter d'être malade. Il s'agit surtout de sauver des vies, celles des personnes les plus vulnérables, et d'aider nos équipes de soignants à faire face à cette nouvelle menace. 

Pour paraphraser Madame PENICAUD, c'est un effort que nos concitoyens peuvent nous demander, à tous et à chacun. C'est juste sauver des vies dont il s'agit

Prenez soin des autres comme de vous-même.

                                                                                   Ingrid Tronet

                                                                             TRONET CONSEILS.

ces textes peuvent parfaitement prévoir que les conditions de mise en oeuvre des RTT et/ou des repos compensateurs relèvent de la décision exclusive du chef d'entreprise en vertu de son pouvoir de direction. 


Les RTT relèvent d’une autre logique. Ces jours de repos compensateur ne sont pas fixés par la loi mais par un accord d’entreprise, ou une convention collective au niveau de la branche professionnelle. Selon les cas, ces textes peuvent prévoir que la date d’une RTT est fixée par l’employeur, ou bien par le salarié avec l’accord de l’employeur, ou bien organiser un repos périodique, par exemple un jour particulier de la semaine tous les quinze jours.

Là aussi, les ordonnances en préparation devraient permettre à l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de RTT, en dérogeant aux modalités définies dans les accords. Et il en va de même pour les jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié. « Je pense que c’est un effort qu’on peut demander. C’est juste déplacer des dates », a argumenté la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, devant l’Assemblée.