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C'est historique : la CFDT devient le premier syndicat français devant la CGT

C'est historique : la CFDT devient le premier syndicat français devant la CGT
Le 12 décembre 2018
Laurent BERGER, Secrétaire Général de la CFDT s'est immédiatement réjoui du résultat sur twitter : la CFDT devient en effet le premier syndicat français. Pourtant, personne n'a vraiment de raison de crier victoire. On vous dit pourquoi.

Les résultats officiels quasi définitifs des élections professionnelles dans la fonction publique sont tombés ce mardi. En mars 2017, la centrale de Laurent BERGER avait déjà ravi à celle de Philippe MARTINEZ la première place dans le domaine privé. Ces résultats interviennent donc au lendemain des élections professionnelles réalisées dans les trois pôles de la fonction publique, à savoir l'Etat, les collectivités locales et les hôpitaux. Par conséquent, et c'est historique : depuis le 11 décembre 2018, la CFDT est le premier syndicat français, secteurs publics et privés confondus. Pourtant, ces excellents résultats ne doivent pas masquer une réalité moins euphorique...

La CFDT premier syndicat français : une étape importante de l'évolution du paysage syndical 

La CFDT premier syndicat français : moins une victoire de la CFDT qu'une défaite de la CGT.

La CGT de Philippe MARTINEZ avait déjà perdu 2.3 points en 2014 lors du premier scrutin commun aux trois fonctions publiques. Selon les résultats publiés ce mardi et donnés comme quasi-définitifs, la baisse de la Confédération Générale du Travailleur s'est encore amplifiée de 1.3 points pour atteindre les 21.8 % de suffrages. 

Or, en mars 2017 déjà, la CFDT était devenue le premier syndicat au niveau national dans le secteur privé, devant la CGT donc. Il suffisait donc que l'avantage en voix de la CGT dans la fonction publique baisse de 20.000 pour que le paysage national syndical, tous secteurs confondus, soit bouleversé. Avec un écart réduit de 35.000 voix, ce seuil a été largement dépassé permettant une nouvelle révolution dans la représentation syndicale. 

Cependant, même si elle est historique et a largement été saluée comme telle par Laurent BERGER sur Twitter dès l'annonce des résultats, cette révolution est moins une victoire de la centrale basée à Belleville (Paris) qu'une défaite de la CGT puisque la centrale de Laurent BERGER voit elle aussi son score baisser, même si c'est plus légèrement, passant de 19.2 % à 19%.

La CGT conserve son leadership dans le secteur public.

Créé en 1895, le plus vieux syndicat français n'avait jamais été détrôné. Lot de consolation : la CGT conserve son statut de numéro un au sein de la fonction publique. Pour ce qui concerne les fonctionnaires, elle obtient en effet 21.8 % des suffrages devant la CFDT (19%) et FO (18.1 %) et reste loin devant à 31.6 % et avec près de 3 points d'avance au sein de la fonction hospitalière, même si elle accuse une légère baisse de 0.6 %. 

FO soulagée conserve son troisième rang chez les fonctionnaires.

Yves VEYRIER, nouveau secrétaire général de Force Ouvrière, avait lui aussi de quoi crier victoire ce matin. Après la grave crise interne qui avait suivie l'affaire des fichiers occultes sur les cadres de l'organisation et la démission de l'ancien numéro 1 Pascal PAVAGEAU cet automne, la centrale préserve son statut de numéro 1 au sein des administrations d'Etat et décroche la seconde place au sein de la fonction publique hospitalière (en progression de 1 point à 24.8 %).

Mais là encore, la victoire est en trompe-l’œil puisqu'une analyse plus fine des résultats démontre que FO doit également faire face à une baisse sensible de sa représentativité puisque, toutes fonctions publiques confondues, cette baisse est égale à celle de la CFDT, soit de l'ordre de 0.5 point. En effet, si elle continue de progresser dans la police et l'administration pénitentiaire, en revanche elle n'a pas réitéré l'exploit de 2014 dans l'éducation. Pire : au sein de la fonction publique d'Etat, elle voit même sa suprématie fortement menacée par la FSU.

La FSU et l'UNSA en embuscade menacent la troisième place de Force Ouvrière.

Née de la scission de la Fédération de l'Education Nationale, l'organisation dirigée par Bernadette GROISON a pour sa part regagné de l'audience après sa contre-performance de 2014 en affichant un résultat à 8.7 % des suffrages (contre 8% précédemment) tandis que l'UNSA continue sur sa lancée avec un gain global de 0.9 point et confirme sa quatrième place dans la fonction publique avec score tous métiers confondus de 11.2 % (contre 10.30 % en 2014).

Les neuf syndicats conservent cependant leur représentativité.

Les plus petits syndicats tels que la CFTC, la CGC ou la FGAF parviennent cette fois encore à sauver leur droit à négocier grâce à des règles beaucplu plus souples dans le secteur public que le privé. Les neuf syndicats conservent donc leur représentativité et pourront continuer à siéger dans les organes où se déroulent les négociations avec les employeurs publiques. 

Une modification profonde du paysage syndical qui révèle des tendances lourdes préoccupantes pour l'avenir du syndicalisme en France.

Une participation en très nette baisse et qui "inquiète".

Pour la première fois, le taux de participation des quelques 5.2 millions d'agents appelés à élire leurs représentants dans les 22 000 instances de dialogue social est passé sous la barre symbolique des 50% en s'établissant à 49.3 %. C'est 3 points de moins qu'en 2014, le recul le plus important ayant été accusé au sein de la fonction hospitalière : "Ca nous inquiète" confiait d'ailleurs Mylène JACQUOT, secrétaire générale de la CFDT Fonction Publique. "Il faut que tout le monde s'y mette, même si ce n'est pas l'effondrement que certains prédisaient". 

Pour le Secrétaire National de l'UNSA Luc FARRE, la montée de l'abstention serait notamment le résultat du vote électronique, plus complexe à mettre en place et qui peut rebuter plus d'un fonctionnaire. Sans compter les bugs techniques, Bernadette GROISON (FSU) rappelant que lors du premier jour du scrutin les personnels n'ont pas pu exprimer leur suffrage bien que la secrétaire générale de la FSU ait également attiré l'attention sur d'autres facteurs telles qu'"une distanciation avec le politique et le fait syndical" qui inquiète certainement davantage. 

Une distanciation avec le politique et le fait syndical qui pourrait s'accroître. 

Le taux record d'abstention pourrait signifier pour le spécialiste du syndicalisme et des relations professionnelles et chercheur au CREDESPO Dominique ANDOLFATTO (Syndicats et dialogue social : les modèles occidentaux à l'épreuve, Bruxelles, PIE Peter Lang 2016 ; Les syndicats en France, La Documentation française, Paris, 2013 ; Toujours moins ! Déclin du syndicalisme à la française, Gallimard, Paris, 2009) "une critique à bas bruit d'un syndicalisme trop institutionnel et d'un type de démocratie représentative (...) Cela peut s'expliquer par un certain éclatement dans la fonction publique et par des fonctionnaires qui n'ont plus de culture syndicale ou s'en sont éloignés". 

Cela est d'autant plus inquiétant que ces élections se déroulaient dans un climat social tendu, de nombreux chantiers étant ouverts tels que la réforme du dialogue social, la rémunération au mérite, le recours accru aux contractuels ou l'élaboration de plans de départs volontaires... 

Conséquence de l'abstention : toutes les organisations perdent des voix.

Cela a beau être une Lapalissade, le constat n'en est pas moins préoccupant. Non seulement la participation globale aux élections professionnelles a diminué, mais toutes les organisations syndicales perdent des voix par rapport à 2014 à l'exception notable de la FSU. 

La CGT est celle qui enregistre le recul le plus fort avec 78 700 suffrages en moins, devant FO qui perd 51 200 voix et la CFDT qui accuse une baise de "seulement" 47 600 voix. "C'est paradoxal" relève encore Dominique ANDOLFATTO "car la CFDT devient la première organisation syndicale, tous secteurs confondus, dans un contexte où elle est en recul dans la fonction publique. Elle le doit en fait surtout à la CGT, qui recule encore plus qu'elle"

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                                                                                                                                                                            Ingrid TRONET

                                                                                                                                                   Tronet Conseils, Ingénierie RH et développement