Quand dauphins et orques donnent les clés de la réussite en entreprise... Ca donne ça !

Jon Kershaw, 64 ans, est le Directeur zoologique du Marineland d'Antibes, dans le sud-est de la France. Britannique à l'humour décapant, il est arrivé dans le monde des delphinariums à 20 ans avec une simple formation d'interprète. Rapidement pourtant, il comprend que pour travailler avec les cétacés, il va lui falloir travailler ses compétences de manager. 

Des conférences qui ne rapportent certes pas beaucoup financièrement au Marineland d'Antibes, mais qui sont précieuses cependant pour démontrer, notamment aux défenseurs des animaux, l'importance du relationnel mis en place avec les animaux. 

"Ce parallèle entre la nature et l'entreprise, ça intéresse tout le monde".

Motivation, domination, organigramme... Tout y passe pour expliquer "comment faire travailler des orques de 3 000 kg qui n'ont aucune raison de travailler ensemble, ni de travailler tout court, et sur lesquelles on n'a pas de pouvoir hiérarchique". Car c'est vrai: "personne ne leur envoie des mails et quand un jeune soigneur arrive, on ne pas dire à l'orque 'tiens, je te présente Jean-Pierre, c'est lui le boss!'"

Visiblement captivée, une participante résume le succès de l'opération : "Ce parallèle entre la nature et l'entreprise, ça intéresse tout le monde !" 

Le management par la faim (ou par la rémunération) : une impasse !! 

"On se disait, tout va bien, tant qu'il y a à manger, on les tient !" raconte Jon Kershaw. Très vite cependant, il réalise que ce n'est pas tout. "Le poisson, il en faut, mais ce n'est pas pour cela que les animaux agissent".

"Si vous jouez sur l'appétit pour créer la motivation, ça pose problème quand l'appétit a baissé - à 9h ça marche, à 15h c'est limite. C'est pareil en entreprise : combien de temps croyez-vous que durent les effets d'une augmentation de salaire sur la motivation ? Trois mois !" 

C'est un psychologue employé d'un parc américain qui va lui ouvrir les yeux en lui indiquant qu'en réalité, Jon Kershaw, à l'époque, ne connaissait pas ses orques. "A part le poids de nourriture qu'ils mangeaient, je ne savais rien de leur place dans la hiérarchie ou de leur ego" avoue-t-il. 

L'important, c'est le challenge ! 

Or comprendre la situation de l'animal, ses motivations... est primordial pour pouvoir travailler avec lui. L'apprentissage se fait par renforcement positif : l'animal est stipulé et encouragé sans nourriture pour récompense mais avec ce qu'il affectionne le plus : un jeu, des chatouilles, ...

C'est ainsi que Jon Kershaw projette des images d'orques dans leur milieu naturel. On peut les voir faire équipe et se donner un mal fou pour attraper des manchots. Ils définissent une véritable stratégie, tapent sur l'eau pour effrayer leurs proies et finalement, aucun des cinq cétacés ne mange le manchot attrapé, qui en sera quitte pour une belle frayeur (et qui sait ? peut-être aussi une bonne leçon).

"C'est comme le chat qui vous dépose une souris sur le paillasson sans la manger. Pourquoi elles dont ça ? Elles n'ont pas mangé, elles n'ont pas été payées... (...) Ce qui compte, c'est le challenge." Et cela vaut aussi pour les êtres humains, salariés et dirigeants. "On a (tous) besoin de vider la dosette d'intelligence nécessaire à notre survie. Les personnes qui n'ont pas la possibilité de le faire au travail, en général, ils font autre chose à côté : du sport, ... C'est donc important de bien connaître l'animal ou son collaborateur, de proposer le bon challenge" explique le directeur du Marineland.

Privilégier la communication active aux emails.

Il n'y a pas de piston chez les cétacés, pas de promotion à l'ancienneté. Tout est question de dominance. Attention prévient Jon Kershaw : il ne s'agit pas de violence physique. "Une fois que c'est bien établi, on peut l'utiliser, et passer par les dominants qui entraînent les autres derrière eux". Et c'est pareil en entreprise selon lui.

Mieux vaut privilégier une "communication active" et savoir se passer de l'email. "il y a des inconvénients à travailler avec des animaux intelligents -tous les responsables en ressources humaines vous le diront, nous avons les mêmes ! L'avantage avec les animaux, c'est qu'ils sont cash. Faire la grosse voix avec eux, ça ne marche pas."