Menu
Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Actualités juridiques > Période d'essai : et si le barème MACRON faisait disparaître la période d'essai ?

Période d'essai : et si le barème MACRON faisait disparaître la période d'essai ?

Période d'essai : et si le barème MACRON faisait disparaître la période d'essai ?
Le 27 juin 2018
Connaissez-vous la clause de maintien à l'emploi ? Non ? Et pourtant l'instauration du barème en cas de licenciement injustifié pourrait bien voir se multiplier ce genre de clause au détriment de la période d'essai... Pourquoi ? L'analyse ici.

Jusqu'à la réforme MACRON du droit du travail, personne n'aurait osé remettre en cause l'importance de la période d'essai dans un contrat de travail. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'un simple entretien d'embauche, même l'entretien le plus fiable qui existe, ne permet pas de garantir totalement que le candidat recruté sera un collaborateur efficace et pertinent. En clair, jamais un entretien d'embauche ne permettra de garantir l'adéquation parfaite entre les compétences techniques et la personnalité du candidat d'une part, la stratégie, les objectifs et la rentabilité de l'entreprise recruteuse d'autre part. C'est un fait.

Oui, mais... Le fameux barème d'indemnités de licenciement injustifié mis en place par les ordonnances MACRON en septembre 2017 dans le cadre de la réforme du droit du travail portée par le Ministre du Travail Muriel PENICAUD pourrait bien remettre en cause cette sacro-sainte certitude. Pourquoi ? Explications....

Pourquoi le barème MACRON permet de relativiser le coût financier d'un recrutement raté ?

N'en déplaise à l'éditeur Digital Recruiters qui vient de publier une très intéressante étude sur "Le coût d'un recrutement raté et ses conséquences", force est de constater que le barème d'indemnités de licenciement injustifié mis en place par les ordonnances MACRON réduit de manière très significative le risque financier d'un recrutement.

Pourquoi ? Pour mémoire, ce barème remplace le principe de réparation intégrale qui existait auparavant et prévoit un montant indemnitaire minimum (montant plancher) et un montant indemnitaire maximum (montant plafond) en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. Or, très concrètement, le montant est limité à 1 mois de salaire durant la première année, 2 mois de salaire entre la première et la deuxième année, et 3,5 mois de salaire entre la seconde et la troisième année d'ancienneté. Autant dire, une paille. 

Par conséquent, licencier un salarié nouvellement recruté et qui finalement ne donnerait pas satisfaction à l'employeur coûtera seulement, outre le préavis, 1 à 2 mois de salaire à ce même employeur. En effet, si ce dernier parvient à démontrer l'insuffisance professionnelle par exemple, il ne risquera aucune sanction ni aucune requalification devant le Conseil de Prud'hommes

Pourquoi le barème MACRON appelle à réfléchir sur la pertinence du maintient de la période d'essai dans un contrat ?

Or, l'objectif initial de la période d'essai était de protéger l'employeur contre le risque de mauvais recrutement. Pas l'inverse. On comprend dès lors que de plus en plus d'avocats et de jurisconsultes s'interrogent sur la pertinence du maintien de la période d'essai. L'évolution de la protection du salarié au cours de cette période, notamment au travers de la loi du 26 juin 2008 précitée, appelle cependant à constater que cette précarité est de moins en moins acceptée par la société.

En effet, en dépit de la loi du 26 juin 2008 portant modernisation du marché du travail qui a notamment instauré le délai de prévenance, la période d'essai demeure une période de grande insécurité pour l'employé qui peut être remercié quasiment du jour au lendemain. Cette précarité pouvait s'entendre dans le contexte du risque financier pris par l'entreprise à chaque recrutement. Elle se justifie plus difficilement dès lors que ce risque est éliminé et que son seul réel avantage pour l'employeur est de s'épargner une procédure de licenciement (du reste elle-même sécurisée sinon facilité par ces mêmes ordonnances MACRON).

Et si la période d'essai était remplacée par une clause de garantie d'emploi ? 

Bien évidemment, la question ne se pose pas pour les primo accédants au marché du travail. Elle est en revanche d'une réelle actualité pour les salariés exerçant leurs compétences sur des secteurs d'emploi tendus (développeurs web par exemple, soudeur nucléaire, ...), ou pour des salariés encore en poste et que l'entreprise viendrait débaucher.

Car non seulement l'instauration du barème MACRON limite fortement le risque financier pris par l'entreprise lors de chaque recrutement, mais à l'inverse elle augmente de manière forte la précarité du statut des salariés puisque ceux-ci peuvent être licenciés "à moindre coût" pendant au moins les deux premières années.

Dès lors, ces derniers ont intérêt non pas à négocier la durée de leur période d'essai, mais plutôt l'instauration d'une clause de garantie de l'emploi aux termes de laquelle, hors faute lourde évidemment, l'employeur garantirait au salarié nouvellement recruté un maintient dans l'emploi pendant une durée déterminée (par exemple un an), sauf à indemniser ledit salarié à hauteur des rémunérations qu'il aurait perçu s'il avait travaillé durant toute cette période. Cette solution aurait l'avantage de maintenir la liberté de l'employeur en cas d'insuffisance du salarié, tout en améliorant la sécurité de ces derniers. 

De là à conclure que le barème MACRON a sonné le glas de la période d'essai et instauré le règne de la clause de garantie de l'emploi... Il n'y a qu'un pas que la réalité du terrain franchira rapidement... ou pas !

Ingrid Tronet

Tronet Conseils