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Quelle différence entre le droit à la déconnexion et les obligations d'astreinte ?

Quelle différence entre le droit à la déconnexion et les obligations d'astreinte ?
Le 03 août 2018
Contraint de rester connecté en permanence, un salarié est dédommagé de 60.868,51 euros. Nouvelle bataille de gagnée pour le droit à la déconnexion instauré par les Lois EL KHOMRI ou précision dans la définition de l'astreinte ?

Le "droit à la déconnexion" a été instauré par la Loi EL KHOMRI en 2016. Problème : où commence le droit à la déconnexion et où finissent les obligations liées à une éventuelle astreinte ? Il semblerait que la Cour de Cassation vienne de donner une réponse non équivoque en condamnant une multinationale britannique à verser 60.868,51 euros à l'un de ses cadres au motif qu'une disponibilité obligatoire, même numérique, constitue une astreinte et doit être dédommagée comme tel. 

L'obligation de "laisser son téléphone allumé en permanence" est-elle une astreinte oui ou non ? 

Promu Directeur Régional au sein de la SAS RENTOKIL INITIAL, multinationale britannique spécialisée dans les services d'hygiène aux entreprises (dératisation, désinsectisation, désinfection) à compter du 01 avril 2010 et licencié le 12 décembre 2011, Monsieur Y a saisir le Conseil des Prud'hommes de demandes diverses. 

En particulier, il dénonçait le fait que son employeur ne lui avait pas rémunéré son temps d'astreinte alors qu'à compter de sa promotion et "dans le cadre de la procédure de gestion des appels d'urgence", il se devrait d''être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur [et] avait l'obligation de rester en permanence disponible à l'aide de son téléphone portable pour répondre à d'éventuels besoins et se tenir prêt à intervenir en cas de besoin".

Or, l'entreprise, condamnée par le Conseil des Prud'hommes ainsi que par la Cour d'Appel, ne considérait pas cette obligation certes contraignante comme une astreinte, c'est-à-dire une obligation devant compensée en droit du travail français de manière financière ou par des jours de repos dans la mesure où l'article 26 de la Convention Collective nationale des entreprises de désinfection, désinsectisation, dératisation, dans sa rédaction applicable au litige (et donc antérieure à l'accord du 28 juin 20011), l'astreinte est prévue "dans le cas où un salarié doit assurer une permanence téléphonique à son domicile".

"Or l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise constitue bien une astreinte selon l'article L.13121-5 du Code du Travail" explique l'avocat en droit social Maître Sylvain NIEL.

Ce qui est d'autant plus vrai depuis l'application de la Loi EL KHOMRI du 08 août 2016 puisque l'astreinte n'inclut plus l'obligation pour le salarié de rester à son domicile pour être à la disposition de l'employeur et que le simple fait de devoir "rester connecté" en dehors du temps de travail suffit à définir une période d'astreinte.

C'est donc au titre de ce fameux droit à la déconnexion que la Cour de Cassation a confirmé l'arrêt rendu par la Cour d'Appel et la condamnation de la Société RENTOKIL INITIAL à payer 60.868,51 euros à M. Y au titre de rappel d'indemnité d'astreinte.

L'astreinte : période de repos ou de travail ? 

Il n'en demeure pas moins "un vide juridique [...] sur la période d'astreinte qui n'est ni considérée vraiment comme du repos, ni vraiment comme du travail" relève Maître NIEL, qui rappelle que si les périodes d'astreinte sont dédommagées, elles sont toujours comptabilisées en France comme du temps de repos "alors que selon le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS), l'assimilation des astreintes a du temps de repos constitue une violation du droit à une durée raisonnable de travail".

En effet, en cas de non-intervention, un salarié français pourtant d'astreinte un week-end devra reprendre le travail dès le lundi puisqu'il aura eu ses deux jours de repos consécutifs. Ce qui dans les faits n'est pas tout-à-fait exact comme toute personne ayant été d'astreinte pourra en attester.

Toutefois, il faut voir dans cet arrêt une véritable avancée en faveur du droit à la déconnexion et un rapprochement des positions de la France et de la CEDS puisqu'in fine "la Cour de Cassation rappelle bien aux entreprises qu'une violation du temps de repas par une disponibilité obligatoire, même numérique, est une astreinte et doit être dédommagée" analyse Maître NIEL.