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Réforme de la formation : 5.000 euros pour chaque salarié, super cagnotte ou fausse bonne idée ?

Réforme de la formation : 5.000 euros pour chaque salarié, super cagnotte ou fausse bonne idée ?
Le 08 mai 2018
Avec la Loi Avenir Professionnel, le Compte Personnel de Formation (CPF) sera alimenté en argent et non plus en crédit temps pour permettre à chaque actif d'être acteur de son parcours. Super cagnotte ou désillusion ?

Au terme de la Loi "Avenir Professionnel" et à partir de 2020, chaque Compte Personnel de Formation (ou CPF), sera crédité de 500 € par an jusqu'à un plafond de 5.000 € (cette somme montant à 800€ jusqu'à un plafond de 8000 € pour les salariés les moins qualifiés). Jusqu'à présent, les 5,7 millions de CPF recensés au printemps 2018 étaient crédités en heures. Mais est-ce vraiment une bonne idée ? 

Un crédit en numéraire certes, mais mobilisable uniquement pour une formation à but professionnel.

Yves HINNEKINT, directeur général d'OPCALIA raconte : "Deux personnes m'ont déjà demandé comment récupérer l'argent. L'un souhaitait s'offrir un billet d'avion pour son pays d'origine, l'autre refaire sa cuisine. J'ai dû leur expliquer que cela ne fonctionnait pas comme cela !". Et oui ! Le CPF sera abondé en euros, c'est sûr, mais les sommes créditées sur le Compte devront obligatoirement servir pour suivre une ou des formations... et rien d'autre ! Il ne s'agit pas pour Muriel PENICAUD et le Gouvernement de jouer au Père Noël... mais de permettre à chaque actif d'être le premier acteur de sa vie professionnelle.

Par ailleurs, le taux de conversion de l'heure est a priori fixé à 14 € aujourd'hui. Ce qui signifie qu'un salarié qui aurait cumulé un maximum de droits en 2020, soit 150 heures, ne disposera pas de 5000 € mais "seulement" de 2100 € (150 x 14). "Ce taux a été choisi par prudence budgétaire, au cas où les demandes de formation exploseraient", explique le Président de l'organisme de formation Wall Street English, Natanaël WRIGHT, qui poursuit : "un conseil, mobilisiez vos droits restants sans attendre, pour ne pas les perdre !"

Un risque non négligeable de devoir financer soi-même une partie de la formation ou demander à son entreprise un co-financement.

Par conséquent, dans les faits, il y a fort à parier que pour couvrir le coût de la formation, le salarié devra soit payer sur ses deniers propres soit réussir à convaincre son employeur à co-financer sa formation. Difficile pour tous les salariés qui souhaiteraient se réorienter, ou pour lesquels la formation envisagée ne correspondrait pas aux orientations stratégiques de l'entreprise... 

Toutefois, pour les actifs désireux de prendre un véritable virage professionnel et pour lesquels une formation longue serait obligatoire, le Gouvernement a prévu un système parallèle, qui viendra remplacer l'actuel Congé Individuel de Formation, ou CIF. Il s'agit du CPF de transition, dont le fonctionnement demeure malgré tout très flou à l'heure actuelle. On ignore encore par exemple les moyens financiers qui lui seront dédiés, le nombre de personnes qui pourront en bénéficier, ... 

Un risque d'une inflation du tarif des formations en dépit de la création de France Compétences.

Les syndicats ont dès le départ pointé du doigt cette éventualité. "Si le salarié dispose de 2000 euros, la formation, comme par hasard, coûtera 2000 euros et pas 1000" s'inquiétait Jean-Claude MAILLY, ancien numéro un de Force Ouvrière (FO).

Un risque que le Gouvernement d'Edouard PHILIPPE semble écarter. Difficile en effet de croire qu'un organisme de formation pourrait faire varier les prix "à la tête du client" puisque celui-ci choisira ses formations via un site internet ou une application, et que les prix y seront fixes comme sur un catalogue. 

Par ailleurs, le jeu de la concurrence devrait prévenir tout risque inflationniste, sans compter la création de France Compétences, instance nouvellement créée par la Réforme justement pour piloter et contrôler l'ensemble du dispositif.

Un horizon de formation élargi... mais pas tant que ça.

Si l'on ne s'étonnera pas que des cours de guitare ou de jardinage ne fassent pas partie des formations pour lesquelles les sommes créditées sur le Compte Personnel de Formation seront mobilisables, en revanche on peut s'étonner que ce soit également le cas pour une formation à la gestion du stress par exemple (qui ne sera prise en charge quand dans le contexte plus large d'une formation au management). Pour le Gouvernement en effet, les formations prises en charge doivent obligatoirement avoir un but "professionnel". 

Reste que malgré tout les listes dans lesquelles il fallait obligatoirement piocher jusqu'à présent vont être supprimées... et ça c'est un réel progrès ! Chacun aura donc accès, via son CPF, à de nombreuses formations certifiantes ou diplômantes dans des domaines très divers, sans oublier un accès à la Validation des Acquis de l'Expérience (VAE), le bilan de compétence, le permis de conduire ou à la création d'entreprise. "Il y aura aussi des moocs, et cela, c'est une vraie révolution", s'enthousiasme l'administrateur général du CNAM (Conservatoire national des Arts et Métiers) Olivier FARON.

Yves HENNEKINT rappelle tout de même qu'il existe un risque d'arnaque du fait des "formations tablettes" au terme desquelles l'actif s'inscrit à une formation bidon et reçoit un joujou hight tech ou une partie de la somme empochée par l'organisme. Un système déjà bien rôdé du temps du DIF (Droit Individuel à la Formation), l'ancêtre du CPF.

Une crainte que partage Natanaël WRIGHT : "Nous comptons un petit nombre de margoulins dans notre métier et il va falloir que l'Etat fixe des normes et demande aux prestataires de montrer patte blanche. Si le filtre est bien fait au départ, il y aura moins de risque qu'un renard se balade dans le poulailler"... et que des salariés malchanceux n'y laissent des plumes. 

Pour l'heure, si le Ministère du Travail et Muriel PENICAUD s'engagent à ce qu'il y ait une certification des organismes afin d'assurer leur sérieux et leurs qualités, aucun critère n'a pour l'instant été annoncé...