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Trop chaud pour travailler ? Que dit le Code du Travail en cas de canicule ?

Trop chaud pour travailler ? Que dit le Code du Travail en cas de canicule ?
Le 03 juillet 2018
Barbecues, bières fraîches, shorts... L'été est arrivé, il fait chaud voire trop chaud... Et vous êtes encore au travail. Que permet le Code du Travail ? Votre employeur doit-il mettre en place des mesures spécifiques en cas de canicule ? Explications...

Qu'on le juge obscur, trop épais, pas assez clair... Il n'en demeure pas moins qu'au fil des années et des réformes, le Code du Travail réglemente de plus en plus d'aspects de la vie en entreprise, depuis les horaires de travail et l'égalité hommes-femmes jusqu'à la tenue autorisée ou la pratique de sa religion. Qu'en est-il alors de la canicule ? Existe-t-il une température maximale au-dessus de laquelle chaque salarié est dispensé d'aller travailler ? Quand il fait "trop chaud pour travailler", que le travail devient pénible même à l'ombre selon les situations voire les équipements de sécurité obligatoires... que dit le Code du Travail ? 

A quel moment peut-on légalement considérer qu'il fait trop chaud pour travailler ? 

La réponse à cette question est extrêmement courte. Le Code du Travail ne détermine aucune température maximale au-dessus de laquelle le salarié peut légalement arrêter de travailler. Étonnant tout de même lorsqu'on pense à l'obligation de sécurité du chef d'entreprise... Car enfin, travailler sur les voies de chemin de fer ou sur un chantier à 14 heures sous un cagnard à 32°C équipé au minimum avec gilet, chaussures de sécurité, casque et gant de sécurité... Il y a de quoi faire un coup de chaleur !

Tout au plus l'article R.4534-143 du Code du Travail prévoit-il que l'employeur de BTP est tenu de mettre à disposition de chaque salarié au moins trois litres d'eau par jour, tout en précisant que "les conventions collectives nationales prévoient les situations de travail, notamment climatiques, pour lesquelles des boissons chaudes non alcoolisées sont mises gratuitement à la disposition des travailleurs". 

Et pour les autres ? Fort heureusement, s'il n'existe pas une température précise au-delà de laquelle il est possible de ne pas aller travailler, il existe tout de même des aménagements, en particulier depuis la canicule de 2003.

Le salarié peut-il utiliser son droit de retrait en cas de fortes chaleurs ? 

L'article L.4131-1 du Code du Travail défini le droit de retrait, c'est-à-dire le droit de considérer l'exécution de son contrat de travail temporairement impossible compte tenu des conditions d'exécution, comme "une situation de travail dont [le travailleur] a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé". On pourrait par conséquent penser qu'une canicule, voire une forte chaleur prolongée, pourrait être qualifiée comme telle et justifier le droit de retrait de certaines catégories de travailleurs (en particulier les travailleurs les plus exposés à la chaleur comme ceux travaillant en extérieur par exemple). Mais il s'agit là d'une simple interprétation... 

Or, pour l'INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité), tout travail "au-dessus de 33°C présente des dangers" dans la mesure où il peut être à l'origine de troubles pour la santé voire d'accidents du travail. Par conséquent, pour l'INRS, dans ces conditions l'employeur se doit "d'adapter le travail en conséquence" : travail aux heures les moins chaudes, augmentation de la fréquence des pauses, installation de points d'eau fraîche, ... par exemple.

La Caisse nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés ou CNAMTS recommande pour sa part depuis 1983 l'évacuation des locaux dès lors que la température y est supérieure à 34°C (recommandation R226).

Enfin, pour le secteur de la construction particulièrement concerné par les effets des conditions climatiques sur les conditions de travail, l'Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Public (OPPBTP) conseille aux employeurs une particulière vigilance lorsque les températures atteignent 30°C, a fortiori lorsque les températures nocturnes ne descendent pas en dessous de 25°C.

En somme, en l'absence d'un texte précis sur la question, il existe à peu près autant d'interprétations que d'interprètes. Et c'est donc à chacun d'évaluer le risque qu'il encourt en cas de fortes chaleurs, et d'agir en conséquence... 

Qu'est-ce que le plan canicule ?

Fort heureusement, depuis l'été meurtrier de 2003 (près de 70 000 morts en Europe dont 20 000 en France), le gouvernement a mis en place en lien avec les niveaux de vigilance de Météo France une série de mesures dont l'objectif est de prévenir l'arrivée d'une canicule puis d'en limiter les effets sanitaires. C'est ce qu'on appelle le plan canicule.

  • Niveau 1 : simple veille des températures déclenchée automatiquement à compter du 1er juillet et jusqu'au 31 août ;
  • Niveau 2 : "avertissement chaleur" correspondant à la vigilance jaune de Météo France et donné à toutes les préfectures concernées ;
  • Niveau 3 : correspondant à la vigilance orange de Météo France, il fait entrer en action le COGIC ou Centre Opérationnel de Gestion Interministérielle des Crises afin de coordonner les services de secours, les hôpitaux, les pompiers, ... 
  • Niveau 4 : correspond à la vigilance rouge de Météo France (niveau maximal), il se traduit en général par le renforcement des différents plans mis en oeuvre sous le niveau de vigilance précédent (plan blanc, orsec, vermeil, ...), le recours à l'armée ou la réquisition des médias.

Du point de vue des salariés et des employeurs, l'intérêt de la mise en place de ce plan permet un rappel de la responsabilité de l'employeur et, en particulier, un rappel à son obligation de sécurité notamment dès le déclenchement du niveau 2 du Plan. Ces obligations ont été rappelées dans la fiche 5 du Plan Canicule de 2017. On rappellera simplement que depuis 2013, dans ce cas précis la recommandation de la CNAMTS de faire évacuer les "locaux climatisés si la température atteint ou dépasse 34°C en cas de défaut prolongé du renouvellement d'air" devient une mesure obligatoire. 

Reste à espérer que l'augmentation de la fréquence des épisodes climatiques intenses (fortes chaleurs ou vagues de froid prolongées) décidera les pouvoirs publics à encadrer d'une manière plus précise une situation potentiellement génératrice de nombreux accidents du travail...