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Ligue du « LOL » : un licenciement pour cyberharcèlement est-il envisageable ?

Ligue du « LOL » : un licenciement pour cyberharcèlement est-il envisageable ?
Le 27 février 2019
Alors que le nombre de victime de la « Ligue du LOL » ne cesse de croître, la question de la faute des journalistes mis en cause par le youtuber Cyprien est incertaine. Faute grave, cyberharcèlement, qu'en dit le droit ?

De vieux faits récemment remontés à la surface

Une trentaine de journalistes sont actuellement accusés d’avoir harcelé, via les réseaux sociaux, d’autres journalistes ainsi que des blogueurs, plus fréquemment des blogueuses se revendiquant féministes. Ces journalistes abusaient de leur statut d’influenceurs sur Twitter, qui en 2009 était bien plus simple à atteindre, pour délivrer des propos outrageux et délibérément provocateurs à l’encontre de leurs victimes, réitérant l’acte parfois quotidiennement, afin de les ridiculiser.

Capucine Piot, alors victime à l’époque, qualifie leur acte comme un « travail de démolition parfois quotidien de la Ligue du LOL ». On voit donc ici qu’il ne s’agit pas seulement d’injures ou de diffamation mais bien de harcèlement moral.

 Ces faits, qui se sont déroulés entre 2009 et 2012, sont remontés à la surface et des journaux tels que Libération ont déjà mis en mise à pied conservatoire certains de ses journalistes.

D’autres journaux, comme Les Inrocks, ont pris des mesures plus drastiques en engageant d’ores et déjà la procédure de licenciement pour faute grave.

On pourrait se poser la question de savoir s’il n’y avait pas prescription, depuis le temps.

En cas faits de harcèlement, l’employeur a jusqu’à deux mois après avoir eu connaissance des faits pour sanctionner le salarié fautif. Le fait que les faits se soient déroulés il y a longtemps ne change rien au fait que l’employeur n’en avait pas eu connaissance, dès lors, il n’était pas trop tard pour les sanctionner.

 

Une frontière trouble entre vie privée et vie professionnelle

La faute grave des journalistes est une faute qui pourrait être reconnue à leur encontre tant leurs propos étaient abusifs. En effet, même si leurs propos étaient tenus dans un contexte privé, l'article 44 de la convention collective des journalistes – évoque la possibilité d’invoquer la notion de faute grave en cas de «violation des règles d'honneur professionnel ».

L’atteinte à l’honneur de la profession de journaliste est suffisamment grave pour que les faits de harcèlement soient directement imputables à leur métier de journaliste, ce harcèlement pourrait d’ailleurs entacher la réputation du journal et l’employeur est en droit d’agir au plus pour stopper la potentielle atteinte à l’image de son entreprise.

Les journalistes peuvent-ils être licenciés pour faute grave ? 

Oui, ces journalistes pourraient être licenciés pour faute grave, même s’il ne faut pas tirer de conclusions hâtives à ce sujet. L’entretien préalable pourrait revoir la sanction à la baisse les concernant et un avertissement est envisageable. La sanction relèvera du pouvoir disciplinaire de l’employeur et de ce qui est prévu au sein de son règlement intérieur.

La jurisprudence en matière de liberté d’expression sur les réseaux sociaux est assez claire depuis plusieurs années : Oui, on peut dire ce que l’on pense sur internet, dès lors que la frontière de l’abus n’est pas franchie. L’Internet, contrairement à ce que peuvent penser certains internautes, n’est pas une zone de non-droit et le droit français s’applique, notamment le droit pénal qui vient sévèrement condamner le harcèlement.

Bouhedjar Sammy

Rédacteur juridique en droit social,

Droit Travail France.